CowBoy Bebop

Interview avec Toshihiro Kawamoto, character designer de la série

Pouvez-vous nous résumer votre parcours ?
Je suis né en juillet 1963 à Tokyo et j'ai commencé à gribouiller dès que j'ai pu tenir un crayon en main. J'aimais particulièrement Devilman et Tiger Mask, que je dessinais tout en les regardant à la télévision. Même s'ils n'étaient pas très rassurés par mon goût pour les arts graphiques, mes parents ne se sont jamais opposés à l'orientation que j'avais choisie. Ma première expérience dans le dessin animé fut le long-métrage Arion, sur lequel j'ai travaillé en tant qu'intervalliste. J'ai ensuite enchaîné avec Gundam ZZ et d'autres séries comme Urusei Yatsura ou Gundam 0080, avant de devenir directeur de l'animation et character designer de la série d'OAV Gundam 0083. Après, j'ai réalisé certains designs du deuxième sketch de The Cockpit. Mes travaux les plus récents sont Golden Boy (la série d'OAV) et Cowboy Bebop.

Quelles furent vos sources d'inspiration pour les personnages de Cowboy Bebop ?
Je n'ai puisé dans aucun modèle particulier pour inventer les personnages de la série. Seul Ed ressemble peut-être un peu à la compositrice Yoko Kanno dans sa façon d'être. En général, mes personnages sont des améliorations ou des réminiscences d'anciennes créations. C'est pourquoi Faye Valentine a "un air de famille" avec certaines demoiselles de Golden Boy… Quant au travail proprement dit, je devais au départ créer six personnages principaux et j'ai choisi de développer deux hommes, une femme, deux enfants et un chien. J'ai eu beaucoup de mal à trouver de la documentation sur les Welsh Corgy.

Y a-t-il une filiation entre Cowboy Bebop, Cobra et Lupin III ?
Je ne crois pas, même si certains épisodes le laissent à penser.

Faye Valentine représente-t-elle pour vous la femme parfaite ?
Question difficile ! Faye est bien sûr un personnage attachant et plein de vitalité, mais elle montre tout au long de la série qu'elle a pas mal de défauts et un très mauvais caractère (rires...)

Depuis vos débuts, le travail de character designer a-t-il évolué selon vous ? L'ordinateur vous ouvre-t-il de nouvelles possibilités ?
Il est certain que l'ordinateur est apport incontestable pour le métier. Moi-même, je délaisse progressivement les cellulos au profit de l'outil informatique. Avec un seul gabarit, on peut tester différentes combinaisons de vêtements, de couleurs etc. Toutefois, dessiner à l'ordinateur nécessite beaucoup de temps et l'erreur n'est pas permise.
Plus profondément, l'animation japonaise est aujourd'hui confrontée à un problème de taille : les jeunes talents se détournent de cette forme d'expression et sont directement embauchés par les éditeurs de jeux vidéo, qui les rémunèrent mieux et imposent moins de contraintes. En comparaison, le monde du dessin animé se révèle moins attrayant, notamment à cause de ses horaires et délais parfois inhumains. Pour l'anecdote, le dernier épisode de Cowboy Bebop fut monté un dimanche matin pour être diffusé l'après-midi même... Ce fut une rude épreuve pour les nerfs. A l'époque, je ne suis d'ailleurs rentré chez moi que deux fois en deux mois. Le studio était devenu ma résidence secondaire !

Quels sont vos projets actuellement ?
J'ai achevé mon travail de directeur de l'animation sur le film d'Escaflowne et je prépare les nouveaux personnages que vous verrez dans le long-métrage de Cowboy Bebop , qui devrait sortir vers le milieu de l'année prochaine. L'action du film se déroulera entre les épisodes 22 et 23 de la série TV.

Avez-vous des loisirs ?
Pas beaucoup. Dès que j'en ai l'occasion, je me repose et je me promène en compagnie de ma femme et de ma chienne Coryn. Un Welch Corgy, évidemment.


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On aperçoit dans Cowboy Bebop de nombreuses allusions à la culture cinématographique américaine. Quelles furent vos influences majeures dans ce domaine ?
Personnellement, j'apprécie tous les genres cinématographiques. Parmi mes références figurent notamment le cinéma iranien, Akira et Kiyoshi Kurosawa dans le cinéma japonais.

De nombreux épisodes présentent des conclusions ambiguës. Est-ce typiquement japonais ou pensez-vous, au contraire, que Cowboy Bebop se distingue ainsi par une narration hors norme ?
Chaque épisode est en fait très orthodoxe dans son déroulement. Seul l'agencement de quelques éléments varie, si vous observez attentivement l'histoire.

D'où vient le personnage d'Ed ?
Le monde de Cowboy Bebop est radicalement différent du Japon contemporain. Différentes sociétés, nations et races se sont complètement mélangées. Dans ce contexte, nous voulions montrer la position d'une enfant. En fait, Ed devait au départ consister en deux personnages distincts. L'un aurait été une petite fille vraisemblablement extra-terrestre, tandis que l'autre aurait été un jeune garçon expert dans le piratage informatique. Nous nous sommes cependant rendu compte que deux personnages étaient inutiles. Un seul nous suffisait. Le résultat de la fusion a donné Ed.
A l'époque de Cowboy Bebop, les ordinateurs sont des jouets, des outils pour les enfants qui sont totalement immergés dans cet univers électronique. C'est déjà un peu le cas au Japon, où certains enfants commencent à utiliser des ordinateurs ou des consoles de jeux vidéo vers l'âge de deux ou trois ans, avant même de savoir parler.

Les rapports humains sont assez particuliers dans Cowboy Bebop : les personnages sont des baroudeurs, qui se rencontrent et de se quittent en permanence.
Dès le départ, le réalisateur Shin'Ichiro Watanabe voulait créer une série où les personnages ne cesseraient d'aller et venir, où les protagonistes seraient toujours en partance, sans véritable ancrage. Au milieu de cette circulation, le "moi" de l'individu cherche à s'exprimer. Par ce schéma de rapports sociaux, nous pensions ainsi mettre en valeur la personnalité des personnages. Pensez à Spike, Jet, Ed ou Ein.

Que pensez-vous de la mise en scène développée par le réalisateur, Shin'Ichiro Watanabe ?
Tout d'abord, il faut noter que Watanabe est un metteur en scène plutôt classique et très doué techniquement. Il possède des bases solides qui lui servent à créer ses images. Cependant, il ne veut pas être catalogué dans un genre particulier. Jusqu'à présent, le travail de Watanabe se limite à l'animation mais il pourrait s'étendre sans problème à d'autres modes d'expression.
L'équipe de production a eu beaucoup de mal à réaliser ce que le réalisateur demandait parfois (rires). Je suis sûr que le dessinateur, Toshihiro Kawamoto, aurait des choses à vous raconter à ce sujet. Mais il faut reconnaître à Watanabe que ses créations sont très réalistes et que ses personnages sont particulièrement vivants.

Quelles sont les nouveautés apportées par Cowboy Bebop à l'animation japonaise ?
C'est une quetion difficile. Personnellement, je n'ai pas grandi dans un monde inondé d'images comme aujourd'hui. La télévision était encore en noir et blanc, il n'y avait pas de magnétoscopes et j'allais rarement au cinéma. Actuellement, les jeunes naissent dans un monde gouverné par l'image et ont un sens visuel fortement aiguisé. Je crois que Cowboy Bebop est différent parce qu'il s'adresse à cette génération. D'un autre côté, la série recèle beaucoup d'éléments rétro. Spike et Jet sont des personnages très "old style", qui semblent issus de l'univers des enka. Ce sont le genre d'hommes qui ne puevent résister aux désirs de leur âme, qui font tout ce qu'ils veulent faire. Faye s'inscrit également dans la même veine. Reste Ed, qui est probablement le seul personnage vraiment "moderne". Sur cette base, nous avons mélangé les personnages avec les nouveaux modes d'expression visuels.

(Interviews réalisées en 2000 et 2001, et publiées avec l'aimable autorisation de Dybex)

Interviews

Dossier réalisé par Fred Pirotte (Algol)
Design © Simon Van Daele 2003.
© 1998 SUNRISE Inc.

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