Disons-le d'entrée : le principal défaut du film, c'est son titre. Kié est tout sauf une petite peste : elle est certes espiègle, possède un solide franc-parler et ne s'en laisse guère compter, mais fait surtout montre d'une incroyable maturité pour une fille de son âge... devenant de fait, aux yeux du spectateur, irrésistiblement attachante. En réalité, davantage qu'à brosser le portrait d'une fillette bien dans ses tongs en bois (mœurs nippones obligent), le récit du film s'attache à développer les relations entre un père et sa fille, rapports forcément délicats, a fortiori lorsque le paternel en question est une brute épaisse, irresponsable et bagarreur. La cellule familiale a éclatée le jour où celui-ci a laissé partir son épouse, avec perte et fracas pour l'éducation de Kié. Dès lors rien ne va plus et la jeune fille devra jongler entre retards inexpliqués, absences à répétition et attitude puérile d'un père foncièrement irascible par-dessus le marché. La notion de famille, qu'elle soit tantôt unie, éclatée ou recomposée, est chère à Takahata, lequel continuera de creuser quelques années plus tard la thématique dans Mes Voisins les Yamada (cette fois avec la difficulté d'instaurer le dialogue entre les membres d'une seule et même famille), les deux films étant l'un comme l'autre des adaptations de mangas. Raffinement suprême : comme dans toute bonne production nippone qui se respecte, le manichéisme est soigneusement évité. Ainsi, si Tetsu le père se bat au moindre prétexte, il prendra sur lui afin de regagner l'affection de sa fille, et Kié de son côté, en apparence inébranlable, dévoilera une sensibilité à fleur de peau lorsque son bien-aimé chat réchappera d'une issue fatale. Takahata, adepte des chroniques, ne déroge ici pas à la règle et nous narre une jolie tranche de vie au ton très moderne, principalement le fait d'un humour mordant, entre répliques ciselées et protagonistes félins hauts en couleurs (petit bémol à ce sujet : la fin du film est un peu à rallonge...). Pourtant, sous couvert d'humour, le cinéaste aborde de front des sujets sociaux douloureux, tels que la violence urbaine, l'alcoolisme ou l'abandon parental... "Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer", écrivait Beaumarchais, rejoignant l'idée d'une "énergie du désespoir". Là est la grande force du film : mêler le rire aux larmes, la tendresse à l'émotion, de sorte que la subtile alchimie qui en ressort rende vaine toute tentative d'analyse critique.